jeudi 12 juin 2014

Dubaï s’impose comme un paradis épargné par les maux mondiaux





-En 2016, Dubaï ne sera plus en mesure de profiter de ces revenus pétroliers.Cependant, sa stratégie économique est un succès. Comment l’expliquer ?

Les Emirats arabes unis représentent la seule nation dans la région à avoir judicieusement utilisé ses ressources en pétrole pour précisément assurer l’après-pétrole, et ce, en attirant capitaux et travailleurs étrangers, tout en jetant les bases de l’Etat de droit, en insistant sur le droit de la propriété et en promouvant un esprit de marché dans presque tous les aspects de la vie. La transition d’une économie de rente à une économie mettant en avant les marchés de capitaux, le développement de l’immobilier et la diversification des services,a été une franche réussite. Désormais, Dubaï représente un havre de paix, en particulier depuis le Printemps arabe et la crise en Ukraine. Des Maghrébins, Syriens et Libanais demandent de plus en plus à y résider de manière permanente tout comme des Russes et des Ukrainiens. A ce regard, la main-d’œuvre étrangère continue d’y affluer.

-En 2009, en raison de sa dépendance aux capitaux étrangers, Dubaï a connu d’importants problèmes économiques. Faut-il y voir les signes des limites du modèle adopté par cet émirat ?

Il est vrai que Dubaï a frôlé la catastrophe en 2009, mais le rapide regain de dynamisme économique aide actuellement l’émirat à repayer les dettes contractées par Dubaï World (NDLR : fonds d’investissement détenus par l’émirat de Dubaï) après que celle-ci a été restructurée en 2011, permettant des paiements échelonnés entre 2011 et 2015. Les réseaux hydrauliques de l’île artificielle de Palm Island ont ainsi été revendus à la société des eaux de Dubaï avec les dettes que cette installation a engendrées.


La limite du modèle actuel à Dubaï pourrait en revanche résider dans la manière dont les actifs financiers sont gérés. 90 créanciers attendent toujours d’être remboursés par Dubaï World qui revend ces actifs à des sociétés amies, et on peut se demander si cette action répond réellement à la recherche de profit optimal ou à un simple réarrangement entre les différentes compagnies de l’émirat. Un tel modèle de revente des actifs peut avoir ces risques.

-Est-ce que Dubaï a changé quelque chose dans sa stratégie depuis le crash de 2009, pour mieux préparer l’échéance de 2016 ?

La croissance de la population à Dubaï ainsi que l’amélioration de la situation économique est illustrée par le boom immobilier qui vit actuellement l’Emirat, un boom largement mené par des spéculateurs locaux et étrangers contrairement à celui de 2006-2008, qui trouvait sa source dans les fonds publics. L’essentiel du parc résidentiel de Dubaï reste cependant dominé par des transactions monétaires, mais puisque le marché immobilier est en regain de vitalité, les prêts et hypothèques seront bientôt de retour avec les risques qu’ils portent, en particulier, celui de l’envolée des prix de l’immobilier. Si le niveau des prix reste un peu trop élevé, l’agence de notation Standard & Poor’s affirme que le marché immobilier commence à montrer des signes de stabilisation après deux ans de croissance beaucoup trop haute.

-Est-ce que ce modèle est réellement durable et quels sont les ajustements que Dubaï pourrait avoir à effectuer pour maintenir une économie dynamique, sur le long terme ?

Comme dans le cas de la Chine, Dubaï a procédé à la monétisation de sa richesse naturelle et a été capable de déployer son arsenal de devises pour développer ses infrastructures et ses capacités technologiques. Contrairement à la Chine, Dubaï ne doit pas gérer le poids conséquent du large flux de travailleurs peu qualifiés venus des zones rurales, qui finissent par épuiser les ressources disponibles. En revanche, tout comme la Suisse, la forte concentration de richesses est fonction de capitaux sûrs et de l’excellence de l’exécution des services et de leur diversification. Evidemment, aucune nation n’est à l’abri de l’explosion d’une bulle financière, le facteur d’incertitude existe toujours. Cependant, tant que les Emirats arabes unis gardent le dessus sur la sécurité nationale et qu’ils combinent la prise de risque économique avec un cadre juridique solide, Dubaï ne devrait connaître aucun problème jusqu’à l’échéance de l’exposition universelle de 2020, et même au-delà.

-Dans quelle mesure la situation économique impacte-t-elle sur les affaires politiques et sociétales de l’émirat ?

Les différentes projections réalisées voient les Emirats arabes unis atteindre un taux de croissance se situant entre 3,5% et 3,8% en 2014 et 2015. L’indice boursier de Dubaï est le meilleur de la région. De plus, la capacité de Dubaï à éviter le terrorisme et les troubles sociaux tout en améliorant le bien-être et la sécurité sociale et l’implémentation des droits de l’homme pour sa main-d’œuvre peu qualifiée ne va pas simplement augmenter l’attractivité de l’émirat pour les capitaux financier et humain, mais va aussi s’imposer comme un paradis épargné par les maux mondiaux, qu’ils soient financiers ou politiques. 
journal el watan - 13/06/2014 Amrane Mahfoud Medjani